Le visage constitue une partie très importante du corps humain, il est le point essentiel des relations sociales entre les individus mais joue également un rôle crucial dans les fonctions de mastication, déglutition, respiration et phonation.
Une insuffisance ou un excès osseux au niveau de la mandibule et/ou des maxillaires peut gêner les fonctions du visage et nuire à l’esthétique.
La chirurgie orthognathique (du grec : « ortho » = droit et « gnathos » = mâchoire) est donc la chirurgie des malformations, congénitales ou acquises, des mâchoires (maxillaires et mandibule) ou dysmorphoses dento-squelettiques.
Son objectif est de repositionner les mâchoires de manière à obtenir une bonne position des dents tout en rétablissant l’équilibre et les fonctions du visage.
A qui s’adresse la chirurgie orthognathique ?
La chirurgie orthognathique s’adresse aux patients qui ont une occlusion dentaire inadéquate et dont un traitement orthodontique seul n’est pas suffisant en raison d’anomalie(s) morphologique(s) de la mandibule et/ou des maxillaires.
Les signes cliniques les plus fréquemment rencontrés sont :
– mâchoire trop avancée ou trop reculée
– béance antérieure (insuffisance de contact entre les incisives supérieures et inférieures)
– asymétrie faciale
– insuffisance de contact entre les lèvres
– sourire gingivale ou son contraire (un sourire découvrant pas ou peu les dents)
– apnée du sommeil (cas particulier).
La chirurgie orthognathique est réalisée en générale chez l’adolescent en fin de croissance ou l’adulte jeune mais elle peut néanmoins être réalisée à tout âge.
Les étapes du traitement
La consultation chirurgicale et orthodontique permet de déterminer le plan de traitement qui sera défini par:
– l’examen clinique se basant sur l’évaluation de l’occlusion dentaire, l’état dentaire, la phonation, la déglutition, la respiration avec la recherche de para-fonctions : mauvais placement de la langue lors de la déglutition, phonation pathologique telle que la voix nasonnée, respiration buccale, succion du pouce, bruxisme (grincement des dents)…
– la prise de photographies
– la réalisation de radiographies (panoramique dentaire, radiographies de face et de profil) permettant d’analyser les anomalies morphologiques osseuses par rapport au reste du visage et du crâne
– la réalisation de moulages des arcades dentaires permettant d’analyser les rapports des dents entre elles et de simuler les mouvements chirurgicaux
– la motivation du patient.
Chaque plan traitement est unique, il sera établi grâce à la collaboration entre l’orthodontiste et le chirurgien. Le changement morphologique doit être pris en compte lors de cette planification.
Le traitement orthodontique pré-chirurgical est une étape indispensable ayant pour but d’aligner les dents et de rendre les arcades dentaires concordantes lorsque l’acte chirurgical aura été réalisé. Sa durée varie en générale de 9 à 18 mois. Ce traitement entraine une gêne temporaire puisque les dents ne se toucheront correctement qu’après l’acte chirurgical.
L’intervention chirurgicale est réalisée une fois que la préparation orthodontique est optimale. Des radiographies et des moulages des arcades dentaires sont réalisés peu avant l’intervention de manière à définir exactement les différents mouvements osseux à réaliser.
Les incisions se situent majoritairement à l’intérieur de la bouche, il n’y a pas de cicatrices visibles sur le visage.
Les interventions les plus souvent réalisées sont :
– l’ostéotomie de Le Fort I, elle permet de déplacer toute l’arcade dentaire supérieure dans les trois plans de l’espace (avant/arrière, haut/bas, droite/gauche)
– l’ostéotomie sagittale mandibulaire bilatérale, elle permet de déplacer la totalité de l’arcade dentaire inférieure en la désolidarisant de la partie verticale de la mâchoire qui porte l’articulation avec le crâne.
– la génioplastie, elle permet de déplacer uniquement le menton osseux dans les trois plans de l’espace
– l’ostéotomie de Le Fort I en vue d’une distraction maxillaire transversale, elle permet d’élargir l’arcade dentaire supérieure lorsque celle-ci est trop étroite…
Les différents segments osseux sont ensuite fixés par les plaques et des vis en titane, celles-ci ne sont pas visibles mais quelques fois palpables, elles peuvent être laissées en place ou bien être retirées environ un an après la chirurgie. En post-opératoire, les arcades dentaires peuvent êtres bloquées entre elles par des élastiques pendant quelques jours.
Le temps post-chirurgical associe :
– des soins buccaux rigoureux et une alimentation adaptée pendant 6 semaines
– un suivi régulier par le chirurgien qui vérifie la consolidation des fragments osseux repositionnés et l’absence de complications post-opératoires
– le traitement orthodontique post-chirurgical qui a pour but l’ajustement terminal des arcades dentaires. Sa durée varie généralement de 3 à 12 mois
– la prescription de kinésithérapie et/ou d’orthophonie afin de rééduquer, dans certains cas, la mastication, la déglutition, la phonation…
Les risques
La chirurgie orthognathique est une chirurgie bien codifiée mais comporte, comme toute chirurgie, des risques et complications qui peuvent subvenir pendant ou après l’intervention :
– la douleur qui est généralement assez faible voire absente
– les nausées et vomissements, conséquences de l’anesthésie
– l’œdème du visage qui est maximum au deuxième jour post-opératoire et qui met environ deux semaines à disparaitre complètement
– les troubles de la sensibilité des dents et des lèvres, ils sont très fréquents et atteignent le plus souvent les dents mandibulaires et la lèvre inférieure. La récupération de la sensibilité est habituelle
– l’infection est une complication inhérente à tout type de chirurgie, elle sera traitée par des antibiotiques et exceptionnellement au bloc opératoire
– le saignement est de faible abondance et ne dure que quelques jours
– les troubles des articulations des mâchoires (bruits articulaires, douleurs, limitation d’ouverture buccale) peuvent apparaitre ou s’aggraver notamment lorsqu’ils étaient déjà présents avant l’intervention, ils peuvent s’améliorer spontanément ou nécessiter une kinésithérapie spécialisée
– un trait de fracture imprévu pendant l’intervention peut entrainer une prolongation du blocage des mâchoires
– un déplacement des fragments osseux peut subvenir après l’intervention, celui-ci sera traité le plus souvent par des moyens orthodontiques (tractions élastiques) et exceptionnellement par une reprise chirurgicale
– un retard ou une absence de consolidation osseuse est exceptionnelle et peut nécessiter une reprise chirurgicale
– les complications dentaires sont très rares, des racines dentaires peuvent être lésées pendant l’intervention et nécessiter un traitement spécifique (dévitalisation, résection apicale, implant si perte dentaire
– la récidive de la dysmorphose dento-squelettique.
Dr Aurélien Louvrier